De fil en aiguille, Françoise Bonzon (1931-2012)
Vie au Québec
La broderie, une passion

Après son divorce en 1975, Françoise demeure au Québec et se consacre à sa nouvelle passion : la broderie. Bien qu’elle ait toujours été créative, que ce soit en touchant à la tapisserie, la couture, la peinture ou l’écriture, c’est vraiment par la broderie que sa créativité a éclaté et que l’artiste en elle s’est réalisée et épanouie. Créer devient plus qu’un passe-temps qui comble les moments libres entre les différentes tâches du quotidien, c’est son mode de vie, sa raison d’être, son métier.

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J’exprime ma joie de vivre avec des fils de couleurs que je brode sur le canevas pour en faire jaillir un tableau vu à travers mon tempérament.

De la patience ? Non, de la passion !

P2019-21-165-WEB Françoise Bonzon

Un jour tout renaît

Un jour tout renaît.
Avec l’aube vient la paix.
Le temps n’est plus à l’orage,
tu as enfin tourné la page.

Un avenir sans ligne, ni trace
que tu dessines face à face.
Confrontation salutaire
d’un passé terre à terre
pour un demain lumineux.
Espérance et Dieu.

Tu as découvert la lumière,
celle de l’intérieure, comme une prière.
Sa force dessine les traits et les ombres
de cette nouvelle tapisserie
que tu créeras dans cette deuxième vie.

Deviens ce que tu es

D'un seul coup, comme une tempête
ou une révélation,
vouloir conquérir une autre planète,
vivre une nouvelle passion,
sentir au bout de ses doigts
la réalisation d'un rêve.
Créer sous le feu de la foi,
vibrer dans son sang, dans la fièvre.
Entrevoir avant que de le réaliser,
le travail de ses doigts,
pour que dans un tissage soigné,
les lignes, les couleurs aient le droit
de devenir oeuvre, oeuvre d'art
ou oeuvre familière, simplicité,
soin, vigilance ou égale part,
pour que le goût du bien-fait soit réalisé.
Sentir en un vertige que l'on peut
être à part entière une volonté à créer tous ses voeux.
Devenir fière de vivre,
ce que l'on veut être.

Elle réapprend les points du XVIIe siècle. Elle effectue des recherches sur les techniques traditionnelles décrites dans les livres anciens. Elle y ajoute une deuxième dimension : toute sorte de points qui peuvent s’immiscer à la technique de base, ce qui permet de laisser aller son talent et son imagination dans la conception de ses tapisseries et de ses tableaux. Cette nouvelle orientation de la forme habituelle d’expression de la peinture à l’aiguille lui permet d’obtenir avec ses fils des jeux de couleurs et des reflets de lumière qui sont une joie pour les yeux et pour le cœur. Une deuxième dimension qui donne une grande valeur à ses œuvres. Comment expliquer le déclin de ce bel art ancien dans le monde trépidant d’aujourd’hui ? Parce qu’il exige de l’artiste une infinie patience. Une peinture à l’aiguille de moyenne grandeur représente une centaine d’heures de travail. On semble avoir oublié que la persévérance vient à bout des travaux les plus longs et les plus délicats.

C’est un travail absorbant, difficile, minutieux, mais fascinant […] Quand je me plonge dans un sujet, j’y suis pour ainsi dire rivée comme l’écrivain à sa feuille de papier, et les heures n’existent pas. Je vois naître le dessin, se préciser les motifs, et dans le cas d’un dessin comme un lieu de cette belle vieille ville, c’est tout simplement fascinant.

P2019-21-149-WEB Françoise Bonzon

J'ai brodé une fleur

J'ai brodé une fleur
pour toi,
mets là à ton coeur.
J'y ai mis du vert, du bleu
pour toi,
cela ira avec tes yeux.
L'aiguille jour et nuit
court pour toi tisser une vie.
Quand la nappe sera faite
pour toi,
nous ferons une fête.
Notre longue amitié
nous aura réunies.
Voilà pourquoi j'aime broder  !

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Thérapie

Je me suis mise à broder,
l’heure paisible est arrivée.
Au long travail de mes doigts agiles,
les points successifs ont dessiné, tranquilles,
sans hâte, des roses épanouies.
Je les vois prendre vie,
éclatantes de beauté,
mes compagnes aimées.
Un miroir où se joue l’espoir
de faire renaître l’amour,
de dessiner un nouveau « toujours ».
Le calme vient en tirant l’aiguille,
la sérénité me retrouve douce fille.
L’aiguille va et vient.
Tant de points, trois fois rien.
Patience de tous les jours,
beau travail d’amour.
Chaque point me rapproche de toi,
chaque point est un acte de foi.
Je crois en ton amour.
Je te vois chaque jour
comme autrefois, avec des yeux
qui te font merveilleux
et t’espèrent heureux.

C'est un art chaleureux et joyeux qui me donne beaucoup de sérénité. Je suis une passionnée et une perfectionniste qui adore son métier.

P2019-21-159-WEB Une peinture à l’aiguille réalisée par Françoise Bonzon, sur organdi avec fils de coton. Collection privée.

Verdure

Pousse la porte grinçante,
derrière elle, frissonante,
l'herbe encore sauvage
et la violette sage
viennent jusqu'au mur
où le raisin reste sûr.
Tu vois le potager
aligné, bien rangé !
Les artichauts,
tout en haut.
Les poireaux, comme des soldats,
montent la garde jusqu'en bas.
Les groseilliers rosissent comme des filles
quand les merles les pillent.
Les salades sont des gros boutons
sur la couverture de la terre marron.
Agitées, les carottes parlent comme des pies,
sur les petits pois qui n'ont pas grossi.
Un pas lourd, une roue grinçante,
voici la brouette brinquebalante.
Vient le jardinier tout courbé par l'âge
et tout redevient sage !
Dans le jardin potager
aligné, bien rangé.

Osez

Osez les couleurs, osez les motifs, allez-y de votre inspiration. Ne soyez jamais esclaves ni de vos idées ni de vos dessins. Ne fermez jamais la porte à l’imagination.

Broder, broder, broder tant que mes yeux et mes forces me le permettront dans ma chère maison blottie au fond des bois, ma cabane au Canada.